14 jours de préparation d'une défense pénale face à la perpétuité.
La disproportion prêterait à sourire si n’était en l’occurrence pas en jeu la défense d’un accusé, et d’ailleurs, sans antinomie, la manifestation d’une vérité légitimement attendue par des parties civiles, au terme d’un processus équitable que se veut être une audience devant une Cour d’assises.
Au vrai, même dans une vision caricaturée version « accusation » de l’intérêt général, tout le monde nous semble avoir intérêt lors d’un procès aux enjeux si lourds à ce que l’accusé soit correctement défendu, à tout le moins qu’il ait été en mesure de l’être.
Même si les attaques envers l’Etat de droit tendent à se banaliser, il demeure encore à peu près acquis qu’un accusé a le droit à un défense et qu’elle ne peut confiner au simple faire-valoir.
Le siège de la règle, précise et d’applicabilité directe devant les juridictions répressives françaises, réside en particulier au sein de la convention européenne des droits de l’homme, en son article 6§3, qui prévoit explicitement ce qui suit :
« Tout accusé a droit notamment à :
[…]
b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; »
Dans cette affaire, notre Cabinet a été saisi et en mesure d’avoir accès au dossier 14 jours seulement avant l’ouverture du procès devant une Cour d’assises d’appel.
En première instance, l’accusé avait été condamné à la plus haute peine de l’ordonnancement juridique pénal, savoir la réclusion criminelle à perpétuité.
Malgré une demande de renvoi documentée et appuyée, la Cour d’assises d’appel a « retenu le dossier » comme on dit, ce qui veut dire qu’elle a décidé de juger l’accusé en l’état, malgré une préparation d’une défense dépourvue du temps et des facilités nécessaires dans ce si court délai.
L’on pourrait s’imaginer qu'il se fût agi d’une énième demande de report, à l’issue de plusieurs précédents renvois accordés et que la Cour se trouvait alors dos au mur face à un accusé retors qui multipliait des demandes dilatoires dans un dessein à peine imaginable.
Il n’en était rien, évidemment, et l’affaire était ici fixée pour la première fois devant la Cour d’assises d’appel, sans qu’aucun report n’ait été antérieurement octroyé.
Au terme du procès qui s’est donc tenu, la Cour d’assises d’appel a confirmé la vertigineuse peine de la perpétuité.
14 jours de défense express face à la perpétuité encourue, cette peine de prison sans fin, prononcée en première instance et prononcée de nouveau en cause d’appel, cela ne prête définitivement pas à sourire.
Ce qui pourrait nous faire sourire – jaune, il faut l’admettre – c’est la diffusion d’une idée dans une opinion publique qui aime à se faire croire que la justice serait « laxiste » ou encore que « les droits individuels » comme on lit, seraient un obstacle à la protection de la société et à la nécessaire répression. La pratique judiciaire montre qu’on en est souvent bien loin ; ici, de manière paroxystique.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi et aura à trancher, dans les prochains mois, la question de savoir si en ces 14 jours l’accusé a pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense avant d’être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
La seule formulation de la question, en ces termes, nous semble devoir entraîner une réponse aux antipodes de ce qui a été retenu jusqu’alors. Affaire à suivre.