Depuis près de 20 ans désormais, sous impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme, le législateur français a renforcé les droits des personnes protégées bénéficiant de mesures de curatelle ou de tutelle, y compris dans le cadre de la procédure pénale.
Au vrai, il est constaté que les mêmes troubles qui justifient ces utiles mesures de protection de certaines personnes vulnérables, les exposent aussi, bien souvent, au risque de faire l’objet de poursuites pénales.
Ainsi, pour ce public particulier, la loi prévoit notamment que le curateur ou le tuteur doit être avisé de toute date d’audience pénale, ce qui entraîne au bénéfice de ce protecteur légal plusieurs prérogatives (accès au dossier, désignation d’un avocat, sollicitation d’un médecin, production de pièces justificatives…) dans l’intérêt du majeur protégé.
Ces dernières années, par une jurisprudence abondante et proactive, tant le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation ont renforcé substantiellement la portée de cette obligation en imposant l’avis à curateur ou à tuteur à de multiples stades de la procédure.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi notamment étendu cette obligation :
- A l’interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction (Crim. 19/09/2017, n°17-81.919) ;
- Au débat contradictoire sur la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention (Crim. 06/06/2023, n°23-81.726) ;
- Aux audiences devant la chambre de l’instruction (Crim. 12/07/2016, n°16-82.714).
Le Conseil Constitutionnel l’a, pour sa part, appliquée pour :
- Le placement en garde à vue (Conseil constitutionnel, 14/09/2018, n°2018-730 QPC) ;
- Les perquisitions (Conseil constitutionnel, 15/01/2021, n°2020-873 QPC) ;
- Le défèrement devant le procureur de la République (Conseil constitutionnel, 18/01/2024, n°2023-1076 QPC) ;
- La saisie spéciale immobilière (Conseil constitutionnel, 10/07/2024, n°2024-1100 QPC).
L’objectif de la règle est donc louable : il s’agit de protéger ceux pour lesquels des juges ont constaté qu’ils devaient se faire assister ou représenter par un tiers pour plusieurs actes de leur vie.
Louable.
Le sens de la règle est parfaitement clair : il faut aviser le curateur ou le tuteur de toutes ces phases procédurales, à défaut de quoi la procédure n’est pas régulière.
Clair.
Si la règle est louable et claire, il arrive néanmoins qu’elle ne soit pas respectée et qu’il faille, de surcroît, batailler judiciairement afin que les conséquences en soient tirées.
Ainsi, dans la lignée de cette jurisprudence, selon trois décisions obtenues ces derniers mois, trois de nos clients protégés et initialement placés en détention, ont fait l’objet de décisions de remise en liberté en application de ces règles de droit.
Dans une première décision, une Cour d’appel a validé notre argumentation en remettant en liberté un majeur protégé détenu en vertu d’un jugement d’un Tribunal correctionnel rendu en méconnaissance de l’avis à son curateur.
Lors d’une deuxième décision, après qu’un Tribunal avait refusé de le faire, une Cour d’appel a remis en liberté une personne sous tutelle incarcérée sans que son tuteur n’ait été informé ni de son défèrement, ni du débat portant sur son placement en détention.
Par une troisième décision, c’est enfin un Tribunal correctionnel qui a refusé de maintenir en détention un troisième majeur protégé compte tenu du manquement à cette règle de droit louable et claire.
Louable et claire, mais loin d’être systématiquement acquise, l’application de la règle de droit au-delà de ces 3 remises en liberté obtenues a nécessité plusieurs recours réalisés par nos soins, qui demeurent actuellement dans l’attente d’être tranchés.
Une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) et deux pourvois en cassation, sont ainsi attendus, dans le dessein non-dissimulé de voir renforcer l’arsenal jurisprudentiel protecteur des droits et libertés des personnes vulnérables.